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Wednesday, November 26, 2008

Chroniques d'une ville défunte.















Sont rassemblés sur ce site, les textes qui parlent de ma ville de Beyrouth choisis parmi les écrits déjà parus sur mon blog principal : LETTRES DU LIBAN.

Les textes sont numérotés de I à XXI respectant ainsi l’ordre chronologique de leur première parution sur LETTRES DU LIBAN depuis 2006.

Le choix est laissé au lecteur d’aborder ce blog comme un livre en commençant par le texte le plus ancien soit le chapitre I (A regarder la mer), sinon de se référer a la TABLE GENERALE située sur la colonne de droite (sidebar) et d’y cliquer un titre a sa convenance.

Ibrahim Tyan.

Saturday, November 22, 2008

I - A regarder la mer.













Négligeant le sage conseil de ma femme de ne point trop me hasarder ces jours-ci en dehors de ma zone Chrétienne à l’Est de la capitale, me revoilà à Beyrouth-Ouest assis sur mon banc public préféré en plein cœur du fief Musulman Sunnite d’Aïn-el-Mraïsseh, sirotant rêveusement mon café face à la Méditerranée.

Je m’empresse de vous expliquer que je suis un adepte impénitent de la marche et que chaque fois ma séance de deux heures, invariablement achevée avec l’atteinte de la mer, il m’est devenu rituel de m’arrêter devant le modeste kiosque de Hajj Abou Ragheb avec lequel on est devenus les meilleurs amis du monde, pour m’acheter moyennant la somme modique de LL. 1500, un gobelet d’Espresso et un litre d’eau minérale glacée ; chose qui me fait toujours ricaner quand je pense qu’il m’arrive de payer jusqu’à vingt fois cette somme, (pourboire non compris), pour obtenir exactement la même chose dans certains établissements huppés de Beyrouth dont l’air climatisé charrie invariablement les mêmes relents de beurre rance, de cigare refroidi, et de pute de luxe.

Essayer d’empêcher le Beyrouthin invétéré de savourer à sa guise SA ville, SA mer, SON soleil SES rues et SES gens, et de L’obliger à se cantonner dans son enclave sectaire comme un cancrelat dans son trou, équivaut à essayer de capter de sa main une poignée de vent.

Il demeure que les Libanais sont des ânes !

Je ne sais plus à qui est due la parabole qui raconte qu’après avoir créé le Liban, le bon Dieu trouva qu’il avait si bien fignolé la chose que le petit patelin terrestre finit par ressembler point par point à son Paradis ; ce qui n’était point admissible vu que l’existence d’une réplique exacte ici-bas ôterait toute son unicité à l’original.

Le détruire serait tout aussi impensable puisque ce serait admettre sa bévue de la part du Créateur.

Alors Dieu créa les Libanais !

Bien le pardon Messire l’âne pour avoir injustement comparé votre aimable Seigneurie aux Libanais ; vous dont l’instinct sûr et la mémoire infaillible vous évitent de tomber à deux reprises dans la même fosse.

Mais pas les Libanais !

Avec eux, ça marche à tous les coups.

Ibrahim Tyan.

Friday, November 21, 2008

II - Ombres et Visages.
















Hier encore, l’opinion était unanime que la guerre au Vietnam qui dura de 1959 à 1975 s’était soldée par une défaite cuisante des Etats-Unis.

Aujourd’hui, cette vérité à ses contestataires qui affirment, preuves à l’appui, que le but principal des USA à été largement atteint en estropiant quasi définitivement non seulement le Vietnam mais également le Laos, le Cambodge et d’une certaine manière la Thaïlande les rendant ainsi incapables de se joindre au puissant élan des autres « Tigres » Asiatiques, que l’économie Américaine redoute tant.

En juillet 2006, Israël déclara sans ambiguïté son intention de faire régresser le Liban de vingt ans en arrière. S’en suivit une campagne militaire dans laquelle l’armée de l’air Israélienne s’acharna sauvagement sur le pays, lui causant de pertes effroyables allant de l’infrastructure aux habitations et vies civiles ; mais surtout, laissant derrière elle un million de sans abris et au bas mot un million de mines et grenades anti personnel parsemant champs et forêts du Sud et du Centre du pays les rendant ainsi littéralement inutilisables.

Devant un tel palmarès, la résistance pourtant héroïque du Hizbollah qui mit en échec toutes les tentatives Israéliennes de percée terrestre dans le Sud, se trouva réduite à l’état d’un Bravado au prix exorbitant ; surtout après le dénigrement criminel de certains Libanais pour cette action d’éclat dont les remous continuent à secouer les fondements mêmes de l’état Hébreu jusqu’à ce jour.

Il est d’amères victoires !

Encore plus amères étaient mes pensées en traversant ce matin même à petit trot la lisière du centre de Beyrouth appelé jadis uniformément Place des Canons ou Place des Martyrs.

Il demeure qu’avant la guerre civile, cette vaste superficie était divisée en deux places historiques bien distinctes ; la première étant la Place Debbas, que l’avènement de SOLIDERE fit complètement disparaître depuis, et qui débouchait directement sur la Place des Martyrs elle-même rebaptisée officieusement du titre pompeux de ‘ Place de la Liberté ‘ par la clique du 14 Mars et que j’appelle personnellement depuis quelque temps, la Place du Saint-Sépulcre.

Incorrigible iconoclaste que je suis !

Elle était pourtant bien belle ma Place des Martyrs d’avant guerre avec ses palmiers centenaires, son horloge parlante fleurie, ses beaux édifices historiques et la grande bâtisse blanche de style colonial du ‘’Petit-Sérail’’ qui abritait les bureaux du commissariat de la police, et qui cachait derrière sa masse imposante les ruelles ‘ chaudes ‘ de la ville bordées de maisons closes dans le plus pur style d’Amsterdam et où j'eus, vu leur proximité avec mon collège, la chance inouïe d’y faire mes premières armes à un âge très précoce avec des filles de grand cœur qui valaient de loin moult bourgeoise respectable que je connus depuis ; comme cette belle et plantureuse « Sabah » qui des fois m’accordait ses faveurs ‘ à l’œil ‘ ; sans doute pour avoir éveillé en elle un vague sentiment maternel.
Ce qui ne l’empêcha pas un beau jour de me refiler les morpions qui m’empoisonnèrent l’existence jusqu’à ce qu’un clément dermatologue m’en débarrasse.

Mais la merveille des merveilles était à l’Ouest de la place où par des bouches sombres et d’escaliers de vieilles pierres on accédait à toute une ville souterraine faite d’interminables labyrinthes de couloirs centenaires éclairés de jour par la lumière jaunâtre des bulbes électriques : Les Souks.

Dans ces dédales se succédaient tour à tour les marchés de légumes, poissons, volailles, fromages, confiseries, épices, encens, soieries et parfums ; mais la véritable caverne d’Ali-Baba était l’entassement prodigieux d’or et de bijouterie au Souk des orfèvres, protégé après l’heure de fermeture par d’immenses portails séculaires en bronze.

Avec l’avènement de Rafic Hariri en 1992 et les milliards ne manquant point, j’avais espéré en une patiente et amoureuse restauration qui redonnerait tout son cachet et sa splendeur à ma belle vieille ville, comme c’aurait été le cas dans toute nation qui se respecte. Mais dans ma candeur, j’avais compté sans l’ignorance, la cupidité et la rapacité des hommes d’argent soucieux de gonfler leur pécule, qui saccagèrent et vandalisèrent ma ville pire que les mercenaires d’antan, rasant au bulldozer mon patrimoine, ma jeunesse et ma mémoire, dans la plus vaste opération d’arnaque, d’usurpation et de piraterie légale que le pays ait jamais connu.

Après cela, il n’est plus difficile de comprendre pourquoi je n’éprouve envers SOLIDERE aucun sentiment de solidarité.

Heureusement qu’il me reste mon ciel, mon soleil et ma mer.

Assis sur mon banc favori face à la Méditerranée qui venait lécher langoureusement la côte d’Aïn-el-Mraïsseh, je devisais tranquillement avec mon cafetier préféré et néanmoins ami, Hajj Abou Ragheb.

Tu m’affirmes (Dieu te pardonne) que le Paradis n’existe pas ; me dit le Hajj. Mais je sens que tu es un homme de Bien, cependant Ibliss (le mille fois damné) t’a embrouillé les idées. Mais lorsque tu te présenteras (après longue vie) devant Allah (le tout-puissant) et son Prophète (prières et salutations sur son âme bénie), tu seras tellement saisi de repentir devant leur splendeur, leur sagesse et leur clémence infinies que tu te convertiras immédiatement a l’Islam (par la volonté du tout-puissant) et entreras (inch’Allah) au Paradis.

Cher Abou Ragheb, dans le fond, tu ne sais pas combien on se ressemble.

Toi aussi à ta façon, tu es un irréductible !

Ibrahim Tyan.

Thursday, November 20, 2008

III - A bâtons rompus avec le Hajj.














Assis sur mon banc favori face à la mer d’Aïn el Mraïsseh après une séance de jogging épuisante, je me laissais bercer par la torpeur délicieuse de la récupération physique après l’effort, tout en savourant les doux ultras violets du soleil de Février et la revigorante caféine d’un espresso bien corsé.

A la question : - Crois-tu que Rafic Hariri (qu’Allah ait son âme), approuve de ce qui se passe actuellement au Liban ? Que me posa Hajj Abou Ragheb mon cafetier préféré et néanmoins ami, je pris un malin plaisir a lui répondre qu’en date du 14 février 2005 et très exactement à 12 :55 PM, Rafic Hariri changea définitivement de nature pour se transformer en une sorte d’onde vibratoire qui partit en s’amplifiant à la vitesse de la lumière pour se perdre à jamais dans les profondeurs de l’hyper espace et que donc et par conséquent, il doit à l’heure actuelle s’en foutre sidéralement et extra-galactiquement de toutes ces foutaises.

- (Qu’Allah te pardonne et moi-même pour t’avoir entendu). C’est Ibliss (le mille fois damné) qui te susurres encore des pensées blasphématoires, rétorqua Abou Ragheb, mais laissons Hariri (qu’Allah lui soit miséricordieux) et parlons d’autre chose.

- Depuis une éternité, me dit-il, je déplore la perte de Gamal Abdel Nasser (Mille et une miséricordes Divines soient sur son âme pure). Ça c’était un mec, un vrai, avec une sacrée paire dans le caleçon ; pas comme ces eunuques de dirigeants Musulmans d’aujourd’hui (Damnation soit sur eux) ; mais heureusement qu’Allah (Que sa miséricorde soit louée), nous as dédommagés par la venue de Sayyed Hassan Nasrallah, (qu’Allah le garde et lui accorde victoire sur ses ennemis).

Voulant le taquiner un peu, je lui répondis : - D’accord pour Nasser, il ne se laissait point marcher sur les pieds celui-là, mais je ne comprends pas comment un monument comme Sayyed Hassan se laisse provoquer et railler de la sorte par de minables minus sans réagir alors qu’il aurait pu les écraser tous comme des vils cancrelats qu’ils sont.

- Bien dit l’ami, (qu’Allah t’accorde longue vie), s’exclama le Hajj, enfin tu parles juste (qu’Allah soit loué) !

Ici le Hajj prit le ton du maître s’adressant au néophyte.

- Eh bien saches mon honorable ami (qu’Allah te préserve de tout mal) que l’Imam Ali (qu’Allah honore sa face rayonnante) à écrit dans son livre que les portes de la patience et de la clémence sont au nombre de SEPT et que Sayed Hassan (Dieu le garde) est en train de les épuiser toutes avant que la parole ne revienne à l’épée, (bientôt Inch’Allah).

Evidement je me gardais bien de lui mentionner que je n’ai lu cela nulle part dans le ‘Nahj-El-Balagha’ de l’Imam Ali qui est un de mes livres de chevet favoris, et préférais lui dire :

- En fin de compte et si je t’ai bien compris, Sayyed Hassan est en train de faire comme cet ancien chef militaire qui laissa les Anglais tirer les premiers a Fontenoy.
- Et ensuite ?
- Ensuite il déferla sur eux et les battit à plate couture.
- Ah l’excellent homme (Que le salut d’Allah soit sur lui), et comment se nommait déjà ce brave guerrier ?
- Le Maréchal Maurice de Saxe.

Ici, Abou Ragheb me toisa de sa moue dubitative,

-Drôle de nom pour un Musulman !!!

Ibrahim Tyan.