Thursday, November 13, 2008

X - Autrefois, naguère et jadis.





















Depuis l’établissement du calendrier Grégorien en 1582, il a été convenu que l’équinoxe d’automne tombe le 21, 22, 23 ou 24 Septembre de chaque année, et se distingue dans les rares pays que la nature à privilégié de quatre saisons bien définies, par un adoucissement climatique progressif qui vient marquer la fin des chaleurs d’été et préluder l’avènement des rigueurs hivernales.

Les célèbres ‘’sanglots longs…’’ de Verlaine, ‘’Les feuilles mortes’’ de Prévert, ou ‘’Le chant d’automne’’ de Baudelaire, n’en sont que des spécimens prélevés au hasard sur le vaste et merveilleux répertoire séculaire établi par les grands chantres romantiques de tous les temps, pour exalter en de lignes inoubliables, la magie trouble et mélancolique des pâles lueurs automnales.

Or il est un vieux dicton bien de chez nous qui affirme que pour jouir pleinement des saisons de l’année, il faut passer le printemps à Damas, l’hiver au Caire et l’automne à Beyrouth.
Curieusement, il n’est point question d’été dans cet aphorisme, ce qui porte à croire que l’auteur nous as délibérément laissés le champ libre pour nous demerder durant cette saison comme bon nous semble ; A Palma, ou sur la Côte d’Azur, ou encore sur la Riviera Italienne, à moins que l’enfer climatisé de Riyad ne nous tente, et ses mornes dunes poudreuses et calcinées.

Les goûts et les couleurs étant ce qu’elles sont, [et les intérêts, ce que vos savez], cette dernière option complètement impensable pour certains, pourrait bien s’avérer une destination de choix pour d’autres…

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Situé à 33° 53′ 13’’ Nord et 35° 30′ 47’’ Est du Levant, (terme que je préfère à celui de : « Moyen-Orient » imposé par les Anglo-Saxons), le Beyrouth d’aujourd’hui est cité dans de récents manuels de géographie parus à travers le monde, comme étant ''un centre financier et un port de commerce qui fut jadis un centre culturel d’une importance majeure dans l’est de la Méditerranée et les pays Arabes, et qui à été longtemps considéré, du fait de son emplacement stratégique, comme un carrefour entre trois continents (l’Asie, l’Afrique, et l’Europe), et un accès vers l’Orient !

« Qui fut jadis… », et « Qui à été longtemps considéré… »

Comme certaines expressions anodines, peuvent brûler pire que du fer rouge !

Tout dépend du contexte.

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JADIS…

Autrefois, la vie des Beyrouthins coulait douce et sans hâte, heureuse et indolente avec peu de soucis. L’été, la capitale Méditerranéenne se vidait de la plupart de ses habitants car presque tout Beyrouthin possédait ou louait une seconde résidence à la montagne pour y estiver durant la saison des grandes chaleurs.

Les Beyrouthins Chrétiens choisissaient généralement les hauteurs du Metn et du Kesserwan pour y passer l’été, tandis que la préférence des Musulmans allait vers les régions d’Aley, Bhamdoun et Souk-el-Gharb dans le Mont-Liban ainsi qu’aux nombreux villages du Chouf.

Quant aux citadins les plus aguerris (et dont j’en fais toujours partie), rien ni personne ne pouvait les déplacer de leur chère vieille ville ni de les éloigner des langueurs azuréennes de leur Méditerranée.

Il faut dire qu’en ces temps là, des plages sans pareil, au sable fin et doré, portant des noms indélébiles dans la mémoire Beyrouthine, notamment: le Côte d’Azur, le Saint-Michel, Le Saint-Simon, le Riviera, l’Acapulco et tant d’autres, plus belles et plus élégantes les unes que les autres, longeaient le long du littoral sud, de la région d’Ouzaï jusqu’à Jnah, se succédant comme des perles de Lapis Lazulite enchâssées dans de l’or, à faire pâlir d’envie les golfes du Bengale ou les sables d’Hawaï.

Que de fois me suis-je demandé sur le sort du coquet petit chalet en bois au Saint-Michel, qui fut mien pendant des années, et dont le parquet qui grince, à connu des soirées à étonner des princes… (Salut Barbara).

En ces temps bénis et à jamais révolus, la vie était bien plus clémente qu’aujourd’hui, même pour les plus démunis ; et une certaine sagesse sereine caractérisait les Beyrouthins qui savaient par instinct que le secret du bonheur véritable réside dans le pain quotidien dûment gagné au labeur dans la dignité.

Aujourd’hui, presque tous dilapident leurs précieux jours pourtant comptés, à s’essouffler comme des lévriers après la Porsche, la villa et le Jacuzzi.
Remarquez, c’est bien joli un grand jacuzzi, avec un bon cigare, un brut bien frappé et du Mozart en fond sonore. Et pourquoi pas tant qu’on y est, une affriolante Thaï qui vous attends toute en adoration, tenant religieusement votre peignoir-éponge ? (Sincère, aucun cynisme ici)

Après tout, on ne vit qu’une fois…

Mais il se trouve aussi que c’est payer stupidement trop cher de sa peau et de sa dignité humaine, que de se dégrader jusqu’à s’avilir, trahir, mentir, voler et s’infliger un ulcère duodénal chronique, dans le seul but de s’acquérir à n’importe quel prix, ce qui ne représente finalement qu’une cuve en céramique qui fait des bulles et une pute que n'importe quel autre connard avec du pèze peut se payer.

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Dans l’ancien Beyrouth, l’avènement de l’automne marquait toujours la fin de la ‘’morte saison’’ d’été et l’ouverture de la grande saison mondaine, artistique et culturelle.

Les places Debbas, des Martyrs et de Riyad-el Solh qui formaient le cœur battant de la capitale redoublaient en foule et en activité.

Après avoir programmé tout le long de l’été des films mineurs ou en seconde vision, les salles de cinéma majeures du centre –ville réaffichaient les nouveautés les plus récentes de la production mondiale, souvent projetées en ‘’Day and Date’’ avec Paris ou Hollywood.

L’ancienne répartition des grandes compagnies cinématographiques internationales entre les salles de cinéma Beyrouthines était bien meilleure que l’ordre chaotique imposé par les distributeurs d’aujourd’hui. Ainsi donc, le cinéphile d’antan savait à l’avance que l’ancien cinéma Empire projetait en exclusivité les films de la Columbia et de l’United Artists, le Métropole : la Paramount+ des films Arabes, le Rivoli : la Warner Bros + des films Arabes, le Capitole : la MGM, le Roxy : la 20th Century Fox, le Dunia : l’Universal, le Radio City : l’Allied Artists, la Rank Britannique et la Titanus Italienne. Un peu plus haut, vers l’avenue Bechara-el-Khoury, le Gaumont Palace programmait les films Français distribués par Gaumont, Odéon et Pathé ainsi que les films Soviétiques de la Mosfilm.

Pour les cinéphiles avertis, Beyrouth rengorgeait de ciné-clubs, mais le plus important et le plus notoire était sans doute le ciné-club de Beyrouth qui reprenait son activité au début de la saison d’automne et dont le standing exceptionnel doit beaucoup au dévouement de l’infatigable Alain Plisson.

C’est grâce à ce club que j’eus l’opportunité de faire connaissance pour la première fois avec les chefs-d’œuvre immortels du cinéma, mais aussi d’avoir rencontré et eu le privilège d’effectuer des échanges personnels avec de prestigieux cinéastes invités tels, André Delvaux (timide jusqu’à l’effacement), Georges Franju (cassant et désagréable), Alain Resnais (élégant et suave) et même André Méliès, fils et collaborateur du grand pionnier du cinéma, Georges Méliès.

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Quand je regarde ce qui se fait aujourd’hui dans le domaine du théâtre au Liban, je me sens partagé entre le désespoir le plus accablant et la raillerie la plus féroce.
Où en sommes nous donc de la splendeur d’antan, lorsque Mounir Abou Debs revint de France pour insuffler au théâtre Libanais ce grand élan puissant et ambitieux ?

A la fin des années 1960, j’eus la chance de me lier d’amitié avec Mounir et de participer activement aux cours donnés dans son école privée « L‘école de théâtre moderne de Beyrouth » située dans la région de Clemenceau, (tout près du domicile Beyrouthin de Walid bey…pour ceux a qui les bornes féodales sont plus familières que les repères culturels).

Ce n’est que progressivement que je vins à découvrir l’importance de ces lieux où un monde nouveau pour moi sur lequel régnaient Eschyle, Sophocle, Shakespeare, Stanislavski, Lee Strasberg et Peter Brook en maîtres absolus, et d’où est sortie la fine fleur de la scène Libanaise tels Raymond Gebara, Antoine et Latifa Moultaka, Roger Assaf, Jalal Khoury et Antoine Kerbage (celui qui fascina jadis les foules en interprétant ‘’ Le roi se meurt’’ d’Ionesco, et pas celui d’aujourd’hui…quoique je comprends parfaitement qu’il faut bien gagner son bifteck).

Qui se souvient aujourd’hui de l’éthérée Théodora Rassy, de l’intense Rida Khoury ou du merveilleux Hamlet que fut Michel Nabaa’ ?
Ou de la version incroyable du Mac Beth de Shakespeare (toujours préservée dans les caves de Télé-Liban) tournée dans d’immenses locaux presque vides et d’extérieurs dépouillés, avec des jeans, T-shirts et espadrilles pour tous costumes, dans la plus pure tradition de Jersey Grotowski (le prince Igor) et de Jerome Robbins (West Side Story) et dans laquelle Mounir Abou Debs honora l’auteur de ces lignes en lui confiant l’immense responsabilité du rôle de Mac Beth.

Dans toutes les manifestations internationales, de Paris à Berlin et de Moscou à Avignon, le théâtre Libanais polarisait l’attention de la critique étrangère et raflait les distinctions les plus prestigieuses, au grand désintéressement de l’état cretins, toujours trop occupé à fouetter ses eternels chats pour s’intéresser à autre chose.

Le spectacle à l’aéroport international de Beyrouth, de la troupe de théâtre Libanaise qui rentra incognito, ignorée, démoralisée et presque la queue entre les jambes au début des années 1970, après avoir raflé le premier prix au festival international de Berlin , devant les Russes, les Américains, les Britanniques et tous les autres, avec la fantastique pièce d’avant-garde : ‘’Le Déluge’’, avait de quoi vous foutre la mort dans l’âme.

Pour une fois, et peut-être à cause du sujet qui me tient particulièrement à cœur, j’ai de la difficulté à clore cet article. Je vais donc laisser ce soin à mon très valeureux et très pur Nazim Hikmet, qui lui, déclame de vive voix, avec des mots simples, directs et presque naïfs, tout ce que le long de ce récit, je n’ai fait que chuchoter.

Ibrahim Tyan.

Traître à la patrie

Oui, je suis traître à la patrie, si vous êtes patriotes, si vous êtes les défenseurs de cette patrie, je suis traître à la patrie,
je suis traître à la patrie
Si la patrie ce sont vos ranchs,
Si c’est tout ce qu’il y a dans vos caisses et sur vos carnets de chèques, la patrie.
Si la patrie, c’est crever de faim le long des chaussées,
Si la patrie, c’est trembler de froid dehors comme un chien et se tordre de paludisme en été,
Si c’est boire notre sang écarlate dans vos usines, la patrie Si la patrie, ce sont les ongles de vos grands propriétaires terriens,
Si la patrie, c’est le catéchisme armé de lances, si la patrie, c’est la matraque de la police
Si ce sont vos crédits et vos rémunérations, la patrie
Si la patrie, ce sont les bases américaines, la bombe américaine, les canons de la flotte américaine
Si la patrie, c’est ne pas se délivrer de nos ténèbres pourries.
Alors je suis traître à la patrie.

Nazim Hikmet. (1902-1963)

1 comment:

Rachel said...

Psaume 118(117),1-2.16-17.22-23.

Rendez grâce au Seigneur : Il est bon ! Éternel est son amour !
Oui, que le dise Israël : Éternel est son amour !
le bras du Seigneur se lève, le bras du Seigneur est fort ! »
Non, je ne mourrai pas, je vivrai pour annoncer les actions du Seigneur :
La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d'angle :
c'est là l'oeuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux.


Lettre de saint Paul Apôtre aux Colossiens 3,1-4.

Frères, vous êtes ressuscités avec le Christ. Recherchez donc les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Tendez vers les réalités d'en haut, et non pas vers celles de la terre. En effet, vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire.

Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean 20,1-9.

Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin, alors qu'il fait encore sombre. Elle voit que la pierre a été enlevée du tombeau. Le matin de Pâques, Marie-Madeleine couru trouver Simon-Pierre et l'autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l'a mis. » Pierre partit donc avec l'autre disciple pour se rendre au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble, mais l'autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. En se penchant, il voit que le linceul est resté là ; cependant il n'entre pas. Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau, et il regarde le linceul resté là, et le linge qui avait recouvert la tête, non pas posé avec le linceul, mais roulé à part à sa place. C'est alors qu'entra l'autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut. Jusque-là, en effet, les disciples n'avaient pas vu que, d'après l'Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d'entre les morts.

Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris