Wednesday, November 5, 2008

XVIII - Les réfléxions d'Aïn - el - Mraïsseh.




















Avec déjà la certitude du maître légitime des lieux, le jeune garçonnet arpentait d’un pas sûr, la côte d’Aïn-el-Mraïsseh en cette époque bénie des années 1950, tel un prince inspectant son fief et son héritage.

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La lassitude dans l’âme, le sexagénaire déposa ses vieux os fatigués sur le banc de pierre, en cette radieuse journée de Septembre 2008, face au bleu infini de la Mère éternelle…

Une paix profonde se dégageait de l’endroit presque désert, comme si la spirale perpétuelle du temps s’était résolue en une énigmatique halte traduite par un insaisissable changement dans les vibrations inaudibles charriées par la brise à travers les feuilles de palmiers ombrageant la place baignée par le soleil Méditerranéen.

Mais l’humanisme idiosyncrasique aux fondements incroyablement diversifiés du vieux Beyrouthin, qui le rendait également favorable aux lampions du Ramadan qu’aux sapins de la Noël, sans en ressortir pour autant des uns ni des autres, s’en trouva assombri malgré la magie du moment par la vision désolante de la corniche déserte d’Aïn-el-Mraïsseh en ce premier jour d’Eid-el-Fitr.

Ou sont donc passées les foules bruyantes et bigarrées des fêtards d’antan ? Des jeunes filles et garçons qui attendaient ce jour pendant toute l’année pour parader dans leurs habits neufs et se faire un brin de cour, et les ribambelles joyeuses et turbulentes d’enfants qui gambadaient allégrement parmi les vendeurs de galettes chaudes (Kaak), d’épis de maïs grillé, de graines de fèves cuites a la vapeur et couronnées de tranches de citron vert saupoudrées au cumin, et de la barbe a papa aux féeriques couleurs pastel ?

عيدٌ بأيّةِ حالٍ عُدتَ يا عيدُ

Personne, même parmi la majorité illettrée de ce vaste et bienheureux monde Arabe n’ignore cette fameuse tranche de la première strophe du célébrissime poème vindicatif et hargneux d’Abou Et-Tayyeb Ahmad Bin Al Houssein, dit, Al-Moutanabbi, dont la flamboyante et somptueuse faconde qui va résolument a l’encontre du caractère véritable de l’homme et de ses accomplissements réels, demeure un des fleurons les plus caractéristiques de cette pensée qui fit du monde Arabe ce qu’il est aujourd’hui.

Cependant, la bien moins célèbre deuxième strophe du même poème, réponds a la plus pure tradition de la poésie classique Arabe, qui consiste à avoir recours a une image particulièrement émouvante qui sert de mise en place dramatique dans le but d’affûter les sentiments de l’auditeur et de le préparer émotionnellement avant l’abordage du sujet principal.

Elle est ici de toute beauté :

أما الأحبة فالبيـداء دونهم/ فليت دونـك بيد دونهـا بيد

La fascinante évocation de ces dunes se succédant les unes après les autres n’est pas sans rappeler d’autres dunes venues d’un autre ailleurs :

Avec la mer du nord pour dernier terrain vague
Et des vagues de dunes pour arrêter les vagues
Et vagues rochers que les marées dépassent
Et qui ont a jamais le cœur à marée basse


Jacques Brel (Le plat pays).

Preuve supplémentaire de l’universalité de l’expression poétique authentique.

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Lors des obsèques de Pierre Bérégovoy, François Mitterrand affirma qu'on avait « livré aux chiens » l'honneur et finalement la vie de l’homme.

C’est en contemplant la place morne et vide en ce jour de fête que la phrase terrible du dernier représentant d’une ‘’Certaine idée de la France’’ me revint avec des dimensions toutes nouvelles ; le spectacle désolant de ce fragment de ville désert n’évoquant plus la déchéance d’un seul homme mais d’un pays entier livré en pâture aux chiens.

Avec ma contestation énergique pour le sens dialectologique dépréciatif rattaché au symbole de cet aimable canidé qui fit preuve d’amitié et de fidélité aussi exemplaires que bénévoles envers l’homme depuis l’aube des temps, et qui lui rendit d’inestimables services dont il fut souvent mal récompensé.

Dans le nid de serpents et le dépotoir d’immondices foyer de toutes les infections qu’est devenu le Liban, le terme de « Vipères Lubriques » emprunté a la rhétorique hautement colorée de la révolution culturelle de Mao Zedong pour designer la ‘’Bande des quatre’’ (dont sa propre femme), me parait plus juste pour qualifier tant les ‘’Zaïms’’ Libanais que leurs imbéciles quadrupèdes de suiveurs.

Présentement, trois uniques issues se profilent à l’horizon tourmenté de la Géhenne Libanaise :

_ Qu’un des deux partis antagonistes parvienne à écraser définitivement l’autre, entrainant du même coup l’écroulement total et inéluctable d’un certain Liban.

_ Qu’une puissance étrangère avec le feu vert des ‘’Grands’’, vienne établir de force son mandat répressif et autoritaire sur le pays ; le seul pays qui serait stratégiquement apte, et prêt à s’embourber dans le cloaque Libanais étant celui vous savez…

_ Que les dirigeants Libanais, dans un retour miraculeux à la raison conviennent a l’unisson que l’intérêt de la nation et la sauvegarde de son avenir priment sur TOUT le reste.

Mais même le plus demeuré des cretins sypyllitiques, connait dans sa raison malade que le temps des miracles est a jamais revolu.

* * * *

Au crépuscule de mon existence qui coïncide malencontreusement avec celui de mon pays, ELLE seule me reste.


Ibrahim Tyan.

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